Une expérience de fin
d'illusion du moi.
"Plus d'ambition, plus de
projet personnel, juste l'abandon, plus de moi qui agit ou fait de
lui-même.
Je ne suis que Vie. Tout
est parfait, mais il n'y a pas de perfection. Je suis, est tout ce
qui est ; je suis le mouvement calme de l'Être, de l'Univers,
de la Nature.
Tout se fait, à son
rythme, et je suis cela. Les intentions et pensées qui me traversent
sont celles de la Nature, de l'être, et je suis cela.
Pas d'observateur, pas de
Soi, pas d'éveil, pas de plénitude pour moi, pas d'expérience
personnelle (« je » ne suis pas en train d'expérimenter,
« je » n'est pas là), pas d'ambition, pas de problèmes,
pas de moi. Juste l'absorption de l'individu dans le flux de la Vie.
Juste le flux universel. Pas d'espace de paix ou d'amour en
particulier. La félicité, oui, mais pas la félicité d'une
personne en train de la vivre ou qui y accède.
Rien à guérir, car rien
n'est négatif ou entravé. Toute la misère de l'Humanité est juste
le processus naturel, le déploiement préétabli. Pas de bien, pas
de mal, pas de morale, pas de recherche d'harmonie. Pas de conscience
heureuse qui regarde le flux des choses à distance ; aucune
séparation. Pas de souffrance observée, pas d'émotion. Je suis la
souffrance, l'émotion et la pensée. Je suis le trouble du monde,
l'ignominie et l'extase. Je suis le mystère de la souffrance et de
la paix. Tout est juste, tout est parfait dans ses absurdités et
injustices. C'est terrible ! Je ne réponds plus de rien et tout
me dépasse ; laisser tout faire, tout se faire. L'amour qui est
là n'est pas compassion car il n'y a rien de mal ! (Je ne
pourrais pas expliquer rationnellement ce que je rapporte là, c'est
juste ce qui a été vécu tel quel).
Juste aimer tout ce qui
est, telle est la clé, sans aucun jugement ni opposition, ni guerre,
ni explication, ni revendication. C'est une telle « acceptation »
(involontaire), une telle confiance (foi inexprimable, sans cause et
non préméditée) en la Vie, en soi-même, en ce qui est-même.
Aimer, sans aucune
intention de guérir quoi que ce soit, ni aimer pour
quoi que ce soit, juste être l'amour ; car l'amour est ce qui
est (et cela reste un grand mystère, même si je l'appelle comme ça).
Sans même se dire qu'on est l'amour ou qu'on est en train d'aimer.
Aucune séparation, aucun moi.
Une patience infinie, et
en fait aucune patience car rien n'est attendu. Quelle innocence,
quelle pureté, quel mystère.
Je ne peux absolument pas
faire ou reproduire cela par moi-même ou de quelque façon que ce
soit. C'est venu, c'est parti et j'en suis chamboulé (car un grand
pan de ma structure vient juste de s'effondrer...). Tout se mélange,
tout semble faux et parfait à la fois...
Aucun sentiment distinct
ou exprimable dans le moment. Aucun état identifiable
ou définissable.
Ne rien forcer, tout se
fait, ne rien attendre, tout arrive, tout est en cours, tout le
temps, depuis toujours. Tout est bien, mais pas bien par rapport à
un mal ; la bonté est simplement là, et l'intelligence
évolutive de la création est juste incompréhensible de notre point
de vue. Ça s'occupe de tout, mais on ne sait pas vraiment ni
pourquoi ni comment, mais c'est bon. De ce point de vue, ce qui est
n'est ni bien ni mal, en même temps, il y a une évolution
inexprimable vers l' « incarnation du divin », du
« mieux », même si ce « mieux » sera
toujours composé de « problèmes et de solutions » ou
« de bien et de mal » du point de vue classique.
On ne sort pas du jeu de la dualité, à part
dans la sortie du jugement, c'est-à-dire des représentations, ou
toute mentalité culturelle. On y est complètement, sans aucune réserve ni compromis ; un "oui" absolu. C'est comme ça, un peu comme une
conscience animale ou végétale. Pas de grand ou de petit, pas de
mieux ou de moins bien, juste l'instinct qui guide, l'intention
profonde du Vivant en nous, que nous sommes, qui nous traverse et
nous agit. Pas de préméditation, pas de spiritualité, pas de
chemin, pas de soi, de moi ou de conscience pure. Dans cette
« conscience », tout enseignement est faux, dans le sens
d'illusoire ou d'inutile, car on ne peut pas apprendre à être ce
que l'on est déjà dans le fond ; on ne peut qu'être transmetteur de
ce qui nous anime, tel que nous sommes, libres depuis le début.
Aucune névrose, aucune guérison, aucune prison, aucune libération.
Toute vision parallèle du monde et des choses a disparu, juste ce
qui est, aucune autre dimension, aucun monde meilleur. Aucune mort,
aucune naissance, juste le processus, le continuum, sans début ni
fin. Aucune conception de ce qui est, et, une indescriptible et
incommensurable merveille."
Commentaires
Bien qu'il ait été
clairement réalisé qu'il n'y a « personne », et que le
« moi » est une illusion, un rêve, le corps et toutes
les manifestations ne sont pas séparés de ce "personne". Tout est senti
comme Cela, Dieu, sacré et complet. Aucune partie n'est toisée par
une autre, devant une autre ou supérieure à une autre. Ce
« personne » n'est pas la conscience pure, mais tout ce
qui est, sans fragmentation, sans distinction corps/esprit ou
conscience/matière.
Bien que j'utilise le
« je », dans cette tentative de description
inexorablement limitée de l' « expérience », ce
« je » n'est pas Sébastien en train d'expérimenter,
mais « ce qui est » en train d'exister de cette
façon-là ; « ce qui est » en train de se
redécouvrir lui-même.
Les différentes façons
d'exister du Vivant, ne sont pas jugées ou hiérarchisées ; à
chaque fois c'est juste le Vivant qui se forme d'une certaine façon.
Dans cet « otherness », il n'y a pas de personnes
éveillées ou non-éveillées, juste le Vivant qui s'expérimente de
différentes façons. Donc du point de vue relatif, l'éveillé n'est
en rien « supérieur » au non-éveillé ; et du
point du vue absolu, l'éveil n'existe tout simplement pas, pas plus
qu'une personne éveillée.
Cet « éveil »
n'a rien de spirituel, c'est juste la fin de l'illusion d'un moi, la
fin d'un rêve. Le moi est comme un rêve dans un rêve, un rêve
personnel dans le « rêve de Dieu ou de l'Univers ».
Ces rêves ne sont ni
importants ni futiles, ils ne sont pas des illusions en tant que
quelque chose de faux, de mauvais ou qui n'aurait pas de valeur. Par
conséquent se prendre sérieusement pour quelqu'un n'a rien d'une
« faute » ou d'une « erreur », ce serait
plutôt la Vie qui expérimente cette façon possible d'exister
pendant un certain temps.
Le moi est revenu, et je
suis de nouveau « quelqu'un », néanmoins la « racine »
de cette construction psychologique (le moi) a été dissoute. Donc,
bien qu'étant moi en apparence et en fonctionnement, je sais à
présent (de source sûre et au travers d'une expérience de première
main), que je ne suis pas moi, mais en fait le mystère du Vivant en
train de se déployer d'une façon singulière et universelle. Grande
détente, et grande confusion en découle. Ça n'est pas qu'un « bon
cadeau » de la vie, ça met bien le bazar aussi ; on n'a
rien à y gagner. En tout cas ce n'est pas ce qu'on imagine, et bien
au-delà de tout ce que l'on peut en dire.
L'aventure continue...
Merci pour ce texte inspirant qui prend le contrepied de bien de hâtives conclusions à propos de l'éveil dans certains cercles savants. Cet "otherness", expression que Krishnamurti utilisait à de rares et belles occasions, pointe joliment et mystérieusement vers ce qui nous étreint au-delà de tout concept et de toute compréhension. La véritable humilité prend sa racine dans le non savoir. L'humilité est ce total inconnu et l'authentique "je ne sais pas" est éprouvé dans le cœur comme une évidence. Réaliser "je suis ceci" (une situation en apparence horrible, une peur, un arbre, un nuage, un animal, une pensée, ou n'importe autre création) et l'éprouver totalement et en faire de même avec tous les "ceci" et les "cela" ouvre paradoxalement à une intimité si intense que toute compréhension par les mots s'effondre. Dans le ressenti silence il n'y a pas de place pour un moi séparé. Le ressenti silence est inconnaissance et pourtant co-naissance à ce qui est : c'est notre véritable liberté et la bénédiction de vivre.
RépondreSupprimerBelles éclosions à toi Sébastien,
Amor fati,
Dan (eclore-en-conscience.blogspot.fr)
Merci Dan pour ton commentaire. Oui j'ai repris ce terme d'otherness qui est celui qui me parle le mieux au regard de cette ouverture-éclosion. C'est vraiment un truc au-delà... bien que complètement au dedans ! Je partage avec toi aussi ce "ressenti-silence", moi je parle simplement de "communion", ou on le retrouve encore dans certaines voies chamaniques sous le terme de "connaissance silencieuse" ; l'unité de l'observateur et l'observé (merci K.), etc. En tout cas, passées les expériences plus ou moins fortes de réalisations, c'est bien cette qualité de relation à ce qui est, au quotidien, qui pour moi reste le plus important.
RépondreSupprimerAmitiés
Sébastien