mercredi 23 octobre 2013

Les trois premiers stades...

On peut imaginer l'épanouissement de l'être comme l'évolution naturelle d'un arbre (de vie).
On peut aussi imaginer qu'il y a des stades de croissances qui se succèdent. On peut s'en donner une représentation à des fins utiles et pédagogiques, tout en sachant que la représentation que nous nous en faisons n'est pas la réalité exacte de ce qui se passe ("la carte n'est pas le territoire").
Concernant l'évolution dite "spirituelle" de l'être humain, nous avons identifié plusieurs passages qui sont comme des étapes ou des degrés d'initiation. Cet épanouissement n'est en réalité pas uniquement spirituel, mais plutôt holistique, c'est-à-dire qu'il inclut une ouverture au Vivant non seulement sur le plan spirituel, mais également sur les plans de la pensée, de l'émotion et du corps (pour ne citer que ceux-là pour l'instant). A savoir que, comme dans un système où chaque partie est en relation avec les autres, les avancées ou éveils de certaines parties, influenceront et modifieront les autres parties ou couches qui nous composent. Simple bon sens.

On peut commencer justement par l'éveil spirituel qui correspond à la réalisation de la nature de l'esprit.
A savoir qu'à ce niveau-là nous sommes pure conscience, et que cette pure conscience ou pur esprit est indépendante de tous les phénomènes existants, des plus subtils aux plus grossiers. Dans cette reconnaissance, à ce niveau-là, la nature de la réalité essentielle est espace, silence, inaction, absence et impersonnalité totale, l'absolu (ou Shiva pour les hindous). On retrouve cela dans différents enseignements non-duels et spirituels, qui prêchent la transcendance comme étant le summum bonum de la réalisation de l'être. En effet, il y a là une sacrée réalisation, très importante et juste essentielle pour la suite du chemin, si tant est que l'on ne tombe pas dans l'écueil de se croire arrivé sous prétexte qu'il n'y a plus "personne" au fond de nous-mêmes. Néanmoins, il sera quand même intéressant de se faire prendre dans cette fixation, histoire de comprendre des choses que l'on n'aurait peut-être pas encore comprises.
Cette réalisation (encore une fois importante et nécessaire) correspond à l'enseignement et au but que l'on retrouve dans le bouddhisme sous le terme de "petit véhicule", ou "premier tour de roue de l'enseignement du bouddha" ou encore, "voie des sutras". On y développe notamment la méditation (de dissociation) et l'étude des soutras (ou des livres d'une certaine spiritualité pour nos contemporains). Bref, à ce stade nous réalisons que nous sommes au-delà de toute manifestation (transcendance) et notre essence est silence, paix, neutralité... et l'on rencontre certains des aspects impersonnels de notre nature. On retrouve et l'on ressent une joie sans objet, un bonheur sans cause et un amour léger et naturel envers tout ce qui est. On est détaché et l'on perçoit le monde comme un rêve ou une illusion, qui n'a plus trop d'importance. Il n'y a plus rien à sauver, à guérir ou à prendre au sérieux, vu qu'en réalité "il n'y a personne". Tout nous semble parfait. On est dans la réalisation d'un "éveil pour soi", le reste nous passant loin à côté ou en-dessous de nous. On sort du "rêve de l'individu" ou de l'identification à notre forme humaine avec son cortège de pensées-émotions-sensations. Nous ne sommes plus "pris" par le film du réel, devenu illusoire.
C'est déjà en soi quelque chose de super, et, grand bien nous ferait qu'un peu plus de monde arrive déjà à réaliser cet aspect du Vivant, car il ne s'agit rien de moins que la réalisation de la "sagesse".

Une autre étape peut arriver ensuite, si nous y sommes poussés par la vie, ou si cela nous intéresse, ou par hasard, ou que sais-je. Il s'agit de l'éveil du cœur. A ce stade nous réalisons une nouvelle couche très importante aussi de ce que nous sommes ! Si dans l'éveil spirituel nous réalisons que nous sommes la conscience et que tout est conscience, à ce stade nous réalisons que "Dieu est Amour". Ça veut dire que nous touchons intérieurement le sentiment impersonnel et énergétique de cette conscience qui est au-delà de tout. Nous rentrons de nouveau un peu plus dans les phénomènes, pour réaliser la présence de cette conscience dans les phénomènes, sous la forme d'une énergie universelle vibrante (Shakti pour les hindous). C'est la réalisation de l'immanence. On commence à rencontrer ce qu'on appelle la compassion, à savoir que l'on prend conscience que tout ce qui nous entoure est aussi nous-mêmes... On prend conscience que la conscience, en plus d'être au-delà de tout, est aussi au-dedans de tout ! Alors on revient un peu de notre détachement et de notre hauteur pour partager un peu plus de Vivant avec le monde et les autres.
Dans le bouddhisme c'est "le grand véhicule" ou "deuxième tour de roue", et l'idéal n'est plus la sagesse du détachement, du bouddha méditant, mais le bodhisattva, celui qui porte l'esprit de l'éveil en lui (boddhicitta) et qui le partage autour de lui, car il a compris qu'étant "Un" avec tout ce qui l'entoure, s'il veut grandir encore dans l'éveil, alors il faudra que ce qui l'entoure s'éveille également. D'où le vœu de pratiquer l'éveil pour soi et  les autres. On arrive dans le domaine de l'immanence, ou tout est reconnu comme étant habité par la nature de Bouddha ou de la nature essentielle de l'être. On passe du détachement à plus d'attachement, pour essayer de se placer entre les deux. On trouve ici également la pratique de la voie du milieu, ou voie du cœur, qui voit la nature essentielle de l'être, non plus comme du vide, mais comme une énergie unique, à la fois inconditionnée et conditionnée, avec et sans forme, absolue et relative.
Un des écueils ici sera de tomber dans le travail acharné de sauvetage de l'autre et de l'humanité sous prétexte d'amour et de souffrance. Et c'est là que l'éveil spirituel nous aidera à ne pas trop nous identifier aux formes... Néanmoins, c'est avec l'éveil du cœur que l'on pourra équilibrer le détachement excessif possible dans l'éveil spirituel. Ici, Dieu est relation et partage, danse et mouvement entre terre et ciel, vide et plein.

Nous pouvons reconnaitre que dans ces deux voies on retrouve la plupart des "religions" et voies connues du grand public, même si la voie du cœur est plus facile d'accès, à priori, et que la première a tendance à se placer un peu au-dessus du panier.

Ensuite vient (vous l'avez deviné) l'éveil du corps. Alors là c'était encore un peu moins "tendance" il y a quelques années, mais ça commence à se rencontrer de plus en plus. Il s'agit de la réalisation que la conscience est matière. Merci à la physique quantique au passage, qui par son exploration rationnelle nous ramène à une révélation mystique des plus profondes. C'est vrai que ça commence à être un peu de la science-fiction ou difficile à réaliser avec ses seuls sens (mais possible quand même).
On peut résumer ça comme ça : à l'éveil spirituel on réalise que la nature de l'être est pure conscience ; à l'éveil du cœur on réalise qu'elle est pure énergie, à l'éveil du corps on réalise qu'elle est matière visible. C'est vrai que la "matière" est une forme condensée d'énergie, mais en général elle ne passait pas pour autant pour quelque chose de spirituel ou de divin. Et bien cette "matière" est tout autant l'être essentiel, que le vide et que l'énergie universelle ! Là on n'est plus trop dans le spirituel... et en général, les "spirituels" ne vont pas jusque là (puisque dans leur paradigme n'est de suprême et de valable que le spirituel). En général il faut être mystique ou chamane de longue haleine pour en arriver là (Krishna ou l'Avatar pour les hindous). Le Bouddha nous le disait déjà dans son soutra du cœur "La forme est vacuité, et la vacuité c'est la forme".

Petite parenthèse sur la "vacuité", souvent mal interprétée. La vacuité n'a rien à voir avec le vide, cela signifie plutôt "ce qui ne peut être décrit ou représenté". Quand on s'éveille spirituellement on a l'expérience de la vacuité comme étant "vide" ou "rien"... ce qui est quand même une définition et qui va orienter le chercheur à trouver ce "vide-rien". Ce qui est très bien d'ailleurs, mais il ne faudra peut-être pas en rester là. Quand on arrive à l'éveil du cœur, la vacuité n'est plus si vide que ça... il y a aussi ces émanations impersonnelles de l'amour, de la joie, de la lumière qui remplissent le corps et l'espace ! Et là on se fait une idée de la vacuité comme étant conscience-énergie. Ok. Avec l'éveil du corps on réalise que c'est loin d'être fini et on rencontre un autre aspect de la vacuité qui est la forme ou la matière ! Donc on se rend compte que la vacuité est vraiment "ce que l'on ne peut définir" plutôt que ceci ou cela. La vacuité est donc conscience-énergie-matière et rien de tout cela, ni autre chose, tout en l'étant ! Wow.

Pour revenir sur l'éveil du corps, on y trouve beaucoup de pratiques tantriques et ésotériques qui visent à réaliser justement la nature divine du corps physique et de commencer à réaliser un "corps de lumière".
Les chamanes et autres voyageurs inter-dimensionnels ont beaucoup à nous apprendre là-dessus. Mais encore une fois, si on s'aventure dans cet éveil-là sans les deux autres, il y a des écueils qui nous attendent, notamment en terme de pouvoir, dans tous les sens du terme.
Dans le bouddhisme, il s'agit du "véhicule de diamant" ou "troisième tour de roue", qui se veut le plus abouti et le plus "rapide", mais il faudrait alors un "maître" avisé, pour nous guider. On y trouve des pratiques tantriques (rien à voir avec juste le sexe) avancées de transformations des énergies internes, ainsi que des pratiques avancées de méditations. On voit déjà que la méditation seule ne suffit plus à ce stade-là, mais qu'il faut aller en profondeur avec des outils puissants. Ce "véhicule" inclut les deux précédents et va plus loin. Loin de considérer le nirvana (aboutissement) comme la dissolution dans la pure conscience sans-forme, on réalise l'unité du nirvana et du samsara par la modification ou l'évolution de notre perception du réel. Progressivement, on se retrouve dans un monde de lumière, sans avoir à quitter ce monde de "matière". A ce stade-là, il n'y pas que votre esprit sans-forme qui soit immortel.
Toutefois, je ne conseille pas de rentrer dans ce genre d'aventure sans avoir préalablement guéri votre esprit et votre cœur, car ce ne serait qu'une fuite du réel et des choses que l'on n'aurait pas encore réglées. Ce n'est pas la peine de rêver à une hypothétique immortalité, alors qu'on n'arrive pas à s'aimer soi-même et ce monde-ci ou simplement nos voisins, ou ceux qui n'ont pas la même vision du monde que nous.
Selon moi il faut d'abord commencer à être heureux dans cette vie, et le reste, pour la plupart d'entre nous, est accessoire.

Ce qui est drôle dans ce chemin, c'est que l'on avait commencé par la négation des phénomènes pour rencontrer la conscience transcendante, et que finalement on se retrouve avec les phénomènes et la matière comme étant l'égal de la conscience. On a arrêté de séparer l'esprit et le corps dans notre conception et dans notre expérience. "Tout est Dieu" nous dirait un mystique chrétien, et pour moi il aurait raison.
Cet éveil du corps, ou en fait cette triple réalisation de la nature de l'être comme étant tout autant esprit, que cœur et que corps, nous amène à la "trinité" ou la "tri-unité". C'est-à-dire la réalisation de l'unité au niveau de la conscience, de l'énergie et de la matière, et la réalisation de l'unité de l'esprit, du cœur et du corps. Rejetez un élément et il vous manquera une pièce du puzzle.

Si vous pensez que votre voie est la meilleure parce qu'elle vous permet de réaliser une des couches, et que vous êtes dérangés si on vous dit qu'une autre voie est tout aussi bien que la vôtre (égale), alors cela veut dire que vous n'avez pas encore réalisé la non-dualité. Vous n'avez pas encore réalisé que tout est Dieu, et que la conscience est partout de façon égale, que vous ne faites que baigner dedans en permanence et que vous l'êtes déjà à 100%. Et si vous croyez être arrivé au bout du chemin par l'intermédiaire d'un éveil, ou d'une expérience (même celle de la "perte" de votre ego), c'est que vous n'avez pas encore réalisé la nature infinie de l'expérience de l'être Vivant.

Tout cela n'est qu'un début bien sûr, et d'autres réalisations s'ouvrent déjà au cours de ces trois-là et après! De plus, nous pouvons nous ouvrir à ces différentes couches dans un autre ordre que celui-là, chacun vit et vivra son épanouissement à sa façon, son rythme et selon ses propres croyances et expériences. Super.

2 commentaires:

  1. Oui, super... ton article aussi. Merci Sébastien.
    A propos de voies de l'éveil du corps, je pense aux arts énergétiques internes asiatiques genre Nei Gong, Qi Gong, mais aussi les arts martiaux (Tai Ji Quan, Aïkido, Kung Fu...) dans leur application énergétique. Bien sûr j'imagine que seuls des enseignements traditionnels rares comme on n'en rencontre probablement pas (ou peu) en Occident sont une voie d'éveil du corps.
    Est-ce que selon toi il s'agit d'éveil du corps, même quand l'intention des pratiquants se tourne vers une dimension exclusive : soit la longévité, la santé, soit l'aspect martial (j'ai à l'esprit des exploits de Karaté ou de Kung Fu qui sont parfois médiatisés) ? D'autres disciplines, cette fois plus explicitement spirituelles, s'appuient sur le corps, comme le tir à l'arc zen, ou la calligraphie : tellement différentes du tantrisme dans leur forme, mais probablement plus proches dans le fond ?

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    1. Merci Lila, oui selon moi les approches asiatiques dont tu parles vont alimenter l'éveil du corps. Comme tu le dis aussi, l'important va être l'intention derrière la pratique. Beaucoup de choses que nous faisons peuvent devenir une pratique, simplement par l'intention que nous y mettons dedans. Donc cela va être le fond qui compte le plus. Si je pratique dans un but martial ou de santé, alors je trouve et je développe des capacités et des sagesses corrélatives ; si je pratique dans un but d'harmonie ou d'éveil, idem.
      En suivant cette intention, les pratiques qui nous conviennent apparaitrons dans notre réalité. Plusieurs pratiques différentes peuvent se succéder dans notre vie, afin d'approfondir à chaque étapes notre intégration et notre pénétration de ce qu'a à nous offrir notre corps en tant qu'enseignant. Plus cet éveil du corps avance, plus nous pouvons toucher de possibilités et affiner notre sensitivité/sensibilité. Il faudra parfois également s'occuper (transformer ou dissoudre) d'anciens schèmes (ou mémoires) qui peuvent ré-apparaître au fil de notre "descente" ou exploration dans le corps physique. Évidemment, cet voie d'éveil dans le physique progressera parallèlement aux autres ouvertures et intégrations que nous ferons au niveau psychique et émotionnel (spirituel et cœur). Sinon au bout d'un moment on risque se trouver déséquilibré. Par exemple, j'ai rencontré plusieurs personnes bien avancés dans certains arts martiaux (plutôt yang) qui avaient une force et une énergie magnifique ! Néanmoins ils n'avaient pas relié le corps et le cœur (physique et sentiment), ce qui bloquait pas mal,de chose dans leur vie relationnelle. Les arts énergétiques internes asiatiques (en général) nous apprennent vraiment beaucoup de bonnes choses concernant, le corps, l'équilibre, l'énergie, etc... En revanche, ils ne sont pas experts dans la gestion des émotions, des sentiments, des relations, etc... Pour moi, il est plus sage de ne pas mettre "tous mes œufs dans le même panier" et d'aller visiter plusieurs approches afin de permettre à toutes mes dimensions (chakras) de s'ouvrir et de devenir des portes d'éveils (ouverture sur le divin).

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